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Depuis 25 ans, nous gérons Alpine Property, une agence immobilière dans les Alpes françaises du Nord. Actuellement, notre équipe compte 16 membres, tous résidant dans les domaines skiables que nous couvrons. Comme tant d’autres qui vivent ici, nous sommes venus pour les montagnes – leur beauté, l’environnement, le mode de vie en plein air. Pourtant, la réalité est que, par notre activité, nous encourageons les gens à parcourir des milliers de kilomètres pour goûter aux mêmes plaisirs. C’est une contradiction qu’il est plus facile d’ignorer.
Ces dernières années, nous avons reversé 1% de notre chiffre d’affaires à des associations environnementales. Nous l’avons fait par l’intermédiaire de 1% for the Planet. Cela représente près de 60 000 € à ce jour. C’est une contribution importante, mais je me demande souvent : est-ce vraiment la bonne chose à faire ? Ou est-ce juste du greenwashing ? Il semble que quoi que nous fassions, le simple fait de vivre dans cet environnement contribue à sa dégradation. Et dans notre cas, faciliter les voyages et le tourisme nous éloigne clairement d’une neutralité carbone.

Nos dons ne sont pas plafonnés et ne dépendent pas de nos bénéfices. Même dans les années difficiles, comme 2024/2025, nous continuons à donner. Les bénéfices de l’entreprise ne doivent pas toujours finir dans les poches des actionnaires. Mais malgré ces efforts, j’ai toujours eu du mal à accepter que mon travail contribue à dégrader l’environnement que j’aime.
Cette tension est un fil conducteur dans ma vie. J’ai étudié l’ingénierie des combustibles et de l’énergie au début des années 90, et bien que je me sois concentré sur les éoliennes, je n’ai pas pu échapper à la partie principale du cours qui portait sur le broyage et la combustion du charbon. Mon premier emploi était dans l’industrie pétrolière et gazière offshore. Déjà à l’époque, j’étais membre de Greenpeace. J’apprécie les efforts et les sacrifices de figures comme Swampy dans les années 90 et Just Stop Oil aujourd’hui (bien que j’aie lu qu’ils sont sur le point de disparaître). Je suis prêt à donner un peu d’argent pour soutenir ces causes, mais pas à aller en prison moi-même. Est-ce mal ? Après l’université, je suis devenu policier – un rôle lui aussi plein de contradictions, où il faut garder une vue d’ensemble malgré les agissements d’une minorité ou de ses collègues.

Lorsque je dirigeais une entreprise de vacances de VTT, je faisais la promotion d’une activité respectueuse de l’environnement, mais je dépendais des vols EasyJet pour amener les gens jusqu’à nous. Une fois de plus, les bonnes intentions se heurtaient aux réalités du tourisme.
Chez Alpine Property, nous avons toujours essayé d’être honnêtes au sujet de ces contradictions. Nous parlons ouvertement des coûts des voyages et du tourisme, et des dommages qu’ils peuvent causer. Mais nous soutenons aussi des initiatives locales comme Montagne Verte, qui oeuvre à réduire l’impact du tourisme localement. EcotriVelo qui fait le tour de Chamonix à vélo pour collecter les biodéchets et les transformer en compost, et Rêve d’abeilles qui sensibilise à l’importance de prendre soin de nos pollinisateurs (petite précision : ils nous offrent du miel en guise de remerciement).
Alors, que pouvons-nous faire de manière réaliste ? Donner de l’argent est une première étape. S’éduquer et sensibiliser les autres en est une autre. Mais l’action compte aussi : encourager les visiteurs à prendre le train plutôt que l’avion ; collaborer avec les propriétaires de résidences secondaires pour qu’ils s’impliquent activement dans la communauté ; inciter les stations et les offices de tourisme à faire de la durabilité une véritable priorité.

Ces mesures ne sont pas parfaites. Elles ne sont pas la réponse. Mais c’est notre réponse, pour l’instant. Et nous sommes déterminés à continuer d’évoluer.
Nous persévérerons. Il faut que davantage d’entreprises agissent. Un véritable changement ne se produira que lorsque de nombreuses entreprises, dans la vallée et au-delà, avanceront dans la même direction.
J’ai trois enfants, nés, élevés et éduqués ici. Leur avenir dépend de la santé de cet environnement, mais aussi de celle de nos communautés. Le surtourisme, le changement climatique et la vision à court terme menacent les deux.
Nous vivons avec des contradictions. Il n’y a pas de moyen simple de les résoudre. Mais agir, même de manière imparfaite, vaut toujours mieux que ne rien faire du tout.
